Album : Mon Critérium et un Carnet
Année : 2019
Sur mon trajet vers Porte de Montrouge
La dame en face de moi m’regarde bizarrement
Parce que j’écris avec la tête qui bouge
Je chantonne, je rature et murmure aussi par moment
Elle fait signe à son voisin d’un geste discret
Il faudrait ptet prévenir les flics ce mec est suspect
Mais il lui dit “C’est pas la peine
J’ai vu ce type écrire dans mon wagon toute la semaine”
Car oui J’écris le lundi, mardi, mercredi
J’écris aussi l’jeudi, vendredi et samedi
Je n’écris pas le dimanche car dimanche c’est le jour
Le jour où j’fais le plein d’inspi afin d’écrire le lundi
(x2)
Pendant qu’mon casque crache hyper fort
J’performe des chiasmes et belles métaphores
J’écris des rimes à pieds, en bus et en train
J’hésite à nommer mon fiston Alexandrin
J’sens bien que l’on se moque de moi
Jésus parle si je manque de foi
Quand le charpentier agit y’a jamais d’langue de bois
Et s’ils me prennent pour un timbré
J’sens que finalement y’a que par la poésie que j’les atteindrai
Quand j’aperçois des visages hostiles
J’plonge dans mon monde de figures de style
Et mon stylo a la mine qui s’étale, qui tartine
J’ressens les mêmes inspi qu’avait Lamartine Donc j’taffe mes paragraphes
Je rappe et je note vite comme un sténographe
J’suis contorsionniste à plein temps
Car lorsque ma main tient l’crayon, c’est mon pied que j’prends
Cette fois j’la croise à Porte de Montreuil
J’écris mais j’sens le poids de son oeil
J’ai changé d’mine elle, elle a changé de fauteuil
J’vois qu’elle lève le menton pour voir c’qui est marqué sur ma feuille
Elle est curieuse mais sur ses gardes malgré tout
Elle sourit mais elle m’regarde un peu comme on regarde un fou
Et quand son fils demande “Maman,
Qu’est-ce qu’il écrit ?” elle répond “Sûrement rien d’intéressant”
Mais moi J’écris le lundi, mardi, mercredi
J’écris aussi l’jeudi, vendredi et samedi
Je n’écris pas le dimanche car dimanche c’est le jour
Le jour où j’fais le plein d’inspi afin d’écrire le lundi
(x2)
J’ai la banane, ça y’est
Déjà les yeux qui pétillent rien qu’en ouvrant l’cahier
La mine taillée, j’rédige, pas l’temps d’bâiller
Jamais fatigué, tu m’verras conjuguer même à 60 balais
Été comme hiver
J’me prends pour Baudelaire et Prévert
J’vous verse du ternaire et du binaire
J’mets Christ dans la zone comme Apollinaire
J’m’enivre de mots, 16 bars mais jamais d’alcool
Les seules fois que j’exagère c’est dans mes hyperboles
Une bonne dose de technique dans ma narration
De la litote à l’antithèse je tente tout même l’allitération
J’fais des jeux d’mots même quand j’dors
J’veux un palmarès et des grand scores
On sait qu’la poésie urbaine vit un temps fort
Chaque fois qu’on voit un mec dégainer un crayon dans les transports
Deux ans après direction Porte de Clignancourt
J’retrouve la dame et son fils encore une fois sur mon parcours
Elle m’a reconnu mais cette fois-ci y’a zéro panique
Son voyage d’aujourd’hui se fera en douceur et en musique
Une seule paire d’écouteurs pour elle et son p’tit garçon
Moitié-moitié, qu’une seule oreille et volume à fond
Discrètement j’retiens mon rire
Parce que ce sont mes textes qu’ils écoutent avec le sourire
J’écris le lundi, mardi, mercredi
J’écris aussi l’jeudi, vendredi et samedi
Je n’écris pas le dimanche car dimanche c’est le jour
Le jour où j’fais le plein d’inspi afin d’écrire le lundi
(x2)
Très beau !!!